Les « urbains sans terre » souhaitent planter et cueillir
Coloco, un atelier de paysage qui accompagne des démarches stratégiques et/ou participatives de nombreuses collectivités avec toujours le végétal comme fil conducteur, livre son regard sur l'évolution de la palette végétale sur les chantiers et en production.
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Coloco est un atelier de paysage composé d'un paysagiste, Miguel Georgieff, et de deux architectes, Pablo Georgieff et Nicolas Bonnenfant. Ensemble, ces trois concepteurs, qui ont très tôt rencontré et été influencés par le paysagiste Gilles Clément, ont créé un collectif dont le fil conducteur est le vivant. Ils ont développé le travail participatif en soumettant à la maîtrise d'oeuvre et au public, une proposition « d'invitation à l'oeuvre ».
« Ce n'est pas parce que la ville est responsable du végétal que le citoyen n'est pas concerné », estime Miguel Georgieff. « Nous, les ''urbains sans terre'', souhaitons planter et cueillir. Les espaces verts classiques n'assouvissent pas notre soif de contact avec les autres espèces vivantes, expliquent les associés de Coloco dans un ouvrage paru récemment, intitulé Fertiles Mobiles - Cultiver ensemble l'espace public (présentation en p. 15). Avoir la possibi-lité de « faire ensemble » nous paraît primordial dans une optique de convivialité avec notre environnement (...). Descendre dans la rue en poussant nos brouettes, c'est réclamer le droit au jardin ! »
Entre des démarches participatives locales comme dans le quartier Lemasson (voir l'encadré ci-dessous), à Montpellier (34), et des études stratégiques à l'exemple de celles de Saint-Étienne (42) ou Lyon (69), où l'objet est d'optimiser la trame verte et bleue, le végétal reste l'axe central de leurs propositions en France et à l'étranger. Avec toujours « la volonté de faire de la ville un support de végétalisation, d'affirmer le végétal comme une puissance ». Toutes les dimensions de l'agglomération sont concernées, avec surtout un besoin de développer l'intimité des habitants avec la flore, pour une meilleure connaissance et un respect du vivant.
Ne pas faire la même chose que les autres en plus cher
Miguel Georgieff estime que les pépiniéristes français ne proposent pas suffisamment de plantes types, difficiles à trouver. Et qu'ils ne vont pas assez au-devant des concepteurs pour leur faire part de leurs offres. « Il ne faut pas faire la même chose que les Espagnols ou les Italiens en plus cher. Sur les foires aux plantes, nous voyons des choses intéressantes, mais souvent avec des quantités disponibles dérisoires. Entre les collectionneurs et les grandes entreprises qui proposent des produits trop standardisés, ce n'est pas simple de trouver des sociétés moyennes capables de fournir des marchés de belle envergure sans être immenses. Aussi, nous ne faisons quasiment pas de plantations de voirie, et les arbres que nous plantons sont plutôt du 8/10, en tout cas jamais plus de 18/20 et que dans les cas exceptionnels. Là aussi, ce n'est pas évident de trouver. » Le paysagiste imagine le salut du pépiniériste français « entre Filippi et Soupe », une entreprise capable de fournir d'assez grosses quantités ciblées. Le premier est un producteur de vivaces de la région de Montpellier qui propose une gamme méditerranéenne. Le second présente, en région lyonnaise, un très large choix d'arbres et d'arbustes, souvent en cépées mais pas dans la lignée des plantes hyper homogènes destinées aux alignements urbains. Insister sur le rôle écologique des plantes serait aussi, pour Miguel Georgieff, un bon moyen de promouvoir le végétal. D'ailleurs, peu de choses sont faites pour guider l'utilisateur dans les associations. Les plantes sont davantage vendues en tant qu'individu plutôt qu'association, qui est pourtant la règle dans le monde végétal. Il regrette que les régions ne recommandent ou ne conseillent pas plus la gamme la mieux adaptée aux contraintes locales, via les PLU (plan local d'urbanisme), par exemple. Et si, chez les producteurs collectionneurs, nous pouvons trouver des choses intéressantes, « peu d'actions sont mises en place dans les points de vente pour guider le consommateur vers une gamme locale ».
Bien sûr, Coloco n'utilise pas que du végétal horticole, mais travaille le plus possible à l'intégration de la flore spontanée. « Nous jouons avec les combinaisons de plantes rares et banales. Les plantes spontanées sont optimales en termes d'adaptation. L'idée reste d'accompagner plus que de s'opposer à la nature. Il ne faut pas confronter les plantes, ce n'est pas soit spontané, soit horticole. L'idée est d'enrichir le spontané avec des plantes apportées. Et il ne faut pas oublier que nous travaillons beaucoup aussi avec les semis. »
Miguel Geogieff considère que son entreprise « est moins seule aujourd'hui à avancer dans cet axe, mais qu'elle est encore minoritaire. Un peu comme les producteurs biologiques comparativement à l'agriculture en général. Notre regard n'est plus nouveau mais reste avant-gardiste. Les aménageurs parlent encore trop souvent de chantiers et pas assez de biodiversité... » Il faudrait arriver à mettre en place un indice pour mesurer le respect de la fragilité écologique par les projets de paysage, comme le Bhoutan, en Asie du Sud, a mis en place un indice de mesure du bonheur. Il calculerait la qualité de l'eau, du milieu vivant, de la faune et de la flore, etc. La ville de Lyon, à la pointe sur ces sujets, travaille sur le Plan de développement des espaces naturels (PDEN) lyonnais qui permettrait, par exemple, de comparer un simple alignement d'arbres avec un système végétal plus complexe, composé d'arbres mais aussi d'un sous-bois dans lequel sont installés des bulbes refleurissant chaque année. Après la gestion différenciée, ce souci d'implanter des espaces à la fois utiles et agréables pourrait être le nouvel axe stratégique des collectivités pour les prochaines années...
Pascal Fayolle
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